Le 9 novembre à Rennes (Salle de la Cité, festival Yaouank), Le 12 à Poullaouen.

Avec sa création de concert intitulée Menez Kernall, le groupe Modkozmik impressionne. Ce projet a été porté par le chanteur et saxophoniste Yann-Ewen L’haridon, répondant à une commande de Dastum. L’association qui célèbre ses 50 ans avait demandé des créations musicales à Emmanuelle Bouthillier (pour la Haute Bretagne) et à Yann-Ewen L’haridon (pour la Basse Bretagne), à partir de son fonds de collectages. Découvert à Plœmeur le 6 octobre (Amzer Nevez), le concert va bien au-delà d’une visite guidée de la tradition. En particulier, la prestation de Modkozmik fait partager un engagement vibrant pour l’histoire d’un terroir. Yann-Ewen L’haridon s’est focalisé sur des textes du pays Montagne. Il chante le sort des « sorcières » au 17è siècle, les travailleurs de Châteauneuf envoyés en 1945 reconstruire le port du Hâvre dans des conditions terribles, la passion d’un poète du 19è pour les abeilles… Les thèmes sont adaptés à la couleur groovy de Modkozmik (en formule «galactik » à 5) qui se libère des cadres du fest-noz et assimile trad et jazz modal.

Des concerts à deux plateaux sont prévus jusqu’au festival de la Gallésie en fête, fin juin 2023, et au Festival interceltique de Lorient en août. 

Trois questions à Yann-Ewen L'haridon

Comment s’est construit ce répertoire ?

En réponse au cahier des charges de Dastum, j’ai proposé de retreindre sur des textes du Pays Montagne, entre Châteauneuf du Faou et Carhaix. Par rapport au breton que je parle cela avait plus de sens. J’ai travaillé pendant un an là-dessus, avant d’aller voir les gars (les musiciens). Je me suis rapproprié des thèmes traditionnels ou j’ai composé des thèmes dans le style. Et j’ai essayé d’apporter un arrangement pour caractériser l’histoire qui était racontée dans chaque chanson, dans le but que le public perçoive le sens, même s’il ne parle pas breton. On retrouve forcément les couleurs musicales de Modkozmik, mais il y a une direction différente que ce qu’on fait en fest-noz, plus « dark », fantastique ou mystique.

De quoi parlent les chansons ?

Il y a beaucoup de chansons sur la sorcellerie, sur l’histoire des buchers de sorcières au au 17è siècle pour des femmes qui avaient eu une certaine liberté ou qui étaient guérisseuses, ce qui ne plaisait pas à l’église. Une autre chanson raconte l’histoire de gens du secteur Landeleau/Châteauneuf-du-Faou, envoyés à la reconstruction du port du Havre, après la guerre 39-45. Ils travaillaient dans des conditions très dures, dans des caissons pour descendre sous l’eau. Il y a un poème d’un paysan lettré de la fin 19è qui était passionné d’apiculture, où il vit tout ce qui vit une abeille dans la journée. Son ar vot avait été écrite à Poullaouen pour pour appeler à voter « rouge » aux élections législatives de 1927… La plupart des chansons tournent autour de l’idée de voyage

Comment gérez-vous l’opposition entre chant trad et musique actuelle ?

Déjà les chanteurs traditionnels se permettaient des improvisations. Et moi-même je prends des libertés. Dans les arrangements, l’idée est d’aller chercher des accords particuliers pour garder une liberté et un caractère non tempéré. On s’est inspiré du jazz modal. Theo Morin a amené du maloya sur certains morceaux. Pour les chants à écouter, les complaintes, il y a une grande liberté d’accompagnement  rythmique. On a essayé de trouver une cohérence et une ossature interne à chaque chanson et cela peut aboutir souvent à des rythmiques impaires, des métriques avec une phrase en 8 temps l’autre en 7 temps…

Yan-Ewen L'haridon

Menez Kernall, Modkozmik en formule galactik

Pour la création Menez Kernall, Modkozmik est en formule «galactik », c’est à dire non pas seulement à trois, mais à cinq avec Yann-Ewen L’haridon au chant et au saxophone, Clément Dallot aux claviers, Louri Derrien à la trompette, Théo Morin aux percussions, Simon Latouche au trombone. C’est une musique qui s’écouter en mode concert, même si de nombreuses parties pourraient se danser. Mais Yann-Ewen L’haridon a choisit de mettre l’accent sur le texte. Son parti pris, pour répondre à la commande de Dastum, a été de se plonger dans les paroles en breton, au lieu de partir d’un collectage ou d’une interprétation.

Modkozmik