Diffusion sur France 3 Bretagne dimanche 28 mai 2023 à 10h10, puis replay

Elles s’appellent Ekaterina, Anna et Yulia, trois générations de femmes russes qui ont en commun la passion pour la langue bretonne. Bruno Deniel-Laurent croise leurs histoires dans le documentaire bilingue Trois Femmes venues de l’Est/Teir flac’h deuet deus ar reter. C’est le parcours de Yulia Borisova, la plus jeune qui a déclenché le projet. Cette jeune femme est agoraphobe, ne quitte pas sa maison et a appris le breton dans sa chambre, en Russie, si bien qu’elle écrit de la poésie et s’exprime couramment en breton. Elle a reçu le prix Xavier de Langlais en 2017. Bruno Deniel-Laurent travaille sur un long-métrage sur son histoire, tandis que ce documentaire intermédiaire de 52 mn pour France 3 montre comment une langue minoritaire et lointaine a créé un pont par dessus l’Europe. Ekaterina Balobanova, aristocrate russe du XIXè siècle, a collecté des contes dans le Trégor. Quant à Anna, aux origines assyro-iraniennes, spécialisée dans les langues celtes, elle a obtenu une bourse de l’université de Moscou dans les années 90 pour venir étudier le breton. Le film les suit aussi en Bretagne que sur leur lieu de vie habituel, n’esquive pas les questions politiques et historiques, raconte la mode pour la musique bretonne à Moscou et Saint-Petersbourg dans les années 90. Les commentaires en breton sous-titré français sont dits par Yann-Varc’h Thorel. Ce film produit par Ladybirds Films est un véritable meuble à tiroirs remplis d’histoires inattendues.

Bruno Deniel-Laurent, réalisateur de Trois Femmes venues de l'Est

Comment en êtes-vous arrivé à cette idée de documentaire ?

Trois femmes venues de l’Est est un projet parallèle au projet principal sur le lien entre une Russe et la langue bretonne, Yulia Borisova. Yvan Tellier, ami qui est aussi assistant réalisateur sur le documentaire, vit à Rennes, parle breton et m’a parlé de cette jeune femme poétesse qui avait reçu le prix Langlais en étant agoraphobe et n’était jamais sortie de chez elle. En 2019, on est allé la rencontrer à Rostov et l’idée est venue de faire un film sur elle. Avec le covid et le confinement, le projet n’a pas été simple à réaliser. Il sera finalisé en fin d’année. Ce sera un long métrage de 100 minutes.

Et le documentaire ?

Pendant ce travail, la production a obtenu un financement de France 3 Bretagne pour un autre film de 52 minutes. Je ne voulais pas faire juste une version courte du projet principal. J’ai eu l’idée de m’intéresser à d’autres Russes qui ont étudié le breton. J’ai rencontré Anna Mouradova avec qui je correspondais. J’ai eu connaissance via Riwanon Kervalla, présidente de Kuzul ar brezhoneg, de Ekaterina Balobanova. Elle aussi est une femme étonnante, courageuse, capable d’arpenter l’Europe en « charrette-stop » au XIXè. La langue bretonne lui est tombée dessus alors qu’elle n’avait jamais entendu parler de ce pays. [Bibliothécaire, Ekaterina Balobanova a séjourné plusieurs années en Bretagne nord entre 1850 et 1870. En 2021 a été publié un recueil des contes qu’elle avait collectés et un livre sur sa vie en breton, aux éditions An Alarc’h]

Quelle est votre relation à la Bretagne, vous-même ?

Je viens d’une famille angevine, je suis né à Château-Gonthier (Mayenne). J’ai commencé surtout par m’intéresser à la musique bretonnne. D’ailleurs, cet aspect musical est important dans le film qui montre l’engouement russe pour la musique bretonne, dans les années 1990 et 2000. J’ai fait une interview de ce musicien du groupe russe Mervent dont on ne voit qu’un court passage dans le documentaire. Il était en vacances à Kiev en février 2022, avec sa fiancée, quand la guerre est arrivée ! Réfugié en France, il découvre pour la première fois la Bretagne. Au café le Mod Kozh, à Rennes, il a retrouvé l’ambiance des endroits ou il allait faire des bœufs musicaux à Saint Petersbourg et Moscou ! La présentation du film au cinéma l’Arvor à Rennes, le 26 mai, sera aussi un soiré due soutien à Anna Mouradova. Elle vit en Georgie depuis six ans. Les autorités géorgiennes lui reprochent d’être une menace pour l’état et veulent la renvoyer en Russie où elle aurait des problèmes. Elle essaye de contrecarrer cette décision et, faute d’autre solution, de demander l’asile en Bretagne.

Trois femmes venues de l'Est/Teir flac'h deuet deus ar reter