Un personnage flou qui court sur un grand terrain vague baigné d’ombre, une figure de clown qui erre entre l’obscurité et une lumière terreuse, un être pressé qui s’éloigne de l’escalier en pierre d’un château, une femme vêtue de blanc qui entre dans l’eau de la rivière… Le photographe rennais Stéphane Mahé ne saisit pas la réalité, il en crée une, construite avec de la couleur, des nuages ombrageux, une lumière épaisse, des personnages isolés, engagés dans une action dont nous n’avons pas la clef. Le décor, car on pense souvent au théâtre ou au cinéma, garde aussi ses mystères. Pas d’indication de lieu ; les côtes ont la mélancolie d’une Adriatique d’arrière-saison, des bâtiments européens se lisent en arrêtes sur le crépuscule, les grands espaces (américains?) prennent la densité d’une histoire que l’on traverse sans comprendre, captant juste ici un personnage qu’on croirait sorti d’un roman russe, là une ambiance à la Wong Kar-Wai. Cette exposition Mood est un splendide prolongement de Somewhere, la précédente série qui avait circulé en Bretagne en 2018. Stéphane Mahé poursuit sa façon d’intégrer l’effet de grain dans ses impressions du monde pour obtenir une image proche de tableaux de peinture, à la limite du jeu avec des références classiques ou impressionnistes : « Je souhaite que la photo soit la plus « brute » possible et j’en ajoute [du grain] ensuite si besoin au développement, car j’aime ce grain qui pour moi est de la matière», explique-t-il. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’y a pas de mise en scène. Il capte un instant où une forme humaine donne un sens particulier à un paysage pour le transformer en décor.

Le 4 février à 15h, Stéphane Mahé proposera une visite sonore immersive de l’exposition (avec les musiques qui l’accompagnent quand il travaille ses images.) Un livre intitulé Mood sera publié aux Editions de Juillet en mars 2023. Un table ronde sur le livre photo est prévue le 10 mars à 18h30. Autre visite commentée le 12 mars à 15h