Les ouvrières de la Manu à Morlaix sous l'objectif de Valérie Couteron

Une photo de Valérie Couteron à la Manu

Beaucoup d’entre elles y ont passé toute leur carrière, elles en gardent des souvenirs contrasté, le travail « dur », mais aussi les parties de rigolade, l’odeur du tabac qui imprégnait tout, la reconnaissance quand elles descendaient dans les commerces du centre-ville : elles étaient les dames de la Manu. La photographe Valérie Couteron avait réalisé un reportage photographique à l’usine de tabac, en 1998. Elle est retournée à Morlaix en 2018, après la fermeture de la fabrique, a retrouvé d’anciennes ouvrières (presqu’uniquement des femmes) et a tiré le portrait de celles qui étaient volontaires pour retourner dans la friche. Après trois ans d’attente due en grande partie à la crise sanitaire, cela donne l’exposition Mon Histoire avec la Manu, jusqu’au 2 janvier au Sew, nom d’une nouvelle institution culturelle de Morlaix qui n’est autre que l’ancienne Manu. Réhabilitée, mais pas trop. Les photos sont affichées dans un grand atelier qui a gardé les traces de la mécanique. Dans les portraits de 1998, en noir et blanc, les ouvrières sont actives, affichent des regards concentrés, parfois mutins, un peu surprises que la photographe les distingue du groupe. Fort contraste avec les portraits couleur de 2018 où les mêmes (mais pas systématiquement) posent debout, affirmant leur individualité hors du travail, leur détachement d’un lieu qui, sans action, n’est plus qu’une pièce de patrimoine. Beaucoup de ces ouvrières étaient présentes au pot d’inauguration du 18 octobre à Morlaix et ce qui a marqué leur mémoire, c’est la dégradation des conditions de travail à partir de la privatisation, la perte de compétences quand de plus en plus de tâches ont été déléguées à Bangui (Centrafrique), la désagrégation des liens humains quand les plans sociaux se sont succédés. L’exposition se lit comme un hommage aux individus, non pas à un collectif, ni à l’entreprise. Les photos sont ponctuées de quelques lignes de témoignages (trop courtes, c’est un peu frustrant) et ne cherchent pas la nostalgie d’une atmosphère révolue. Vues ensemble, elles dressent plutôt un pont virtuel où peut s’exprimer la mémoire des unes et des autres, comme le résume le titre de l’expo « Mon histoire avec la Manu ». Ce travail dirigé par Eric Foucault est produit par le Sew et le Centre national de la création adaptée. L’exposition vivra surtout grâce aux commentaires des habitants de Morlaix pour qui l’histoire de la Manu est toujours vivante.

La photographe Valérie Couteron s’attache depuis plus de vingt à la représentation de l’humain au travail. Elle a réalisé des portraits d’ouvriers dans des usines Saint-Gobain, Armor Lux, Snecma…

Jusqu’au 02 janvier, les vendredi, samedi et dimanche de 14h à18h. Entrée libre les vendredi, samedi et dimanche de 14h à 18h. Entrée libre.

Au Sew exposition Valérie Couteron Morlaix