Un programme de résidences artistiques organisé par la Fourmi-e

Centre-Bretagne, jusqu’au 6 mars. Il reste deux week-ends pour se rendre aux fermes de Kernaëret, à Duault, et de Lézéfranc, à Locarn, découvrir les œuvres réalisées Anaïs Dunn et Quentin Montagne. On parle d’exploitations agricoles, pas de petites fermes touristiques bien propres : bottes recommandées. Kernaëret a l’allure d’un chantier avec ses vastes hangars en rénovation. L’artiste plasticienne Anaïs Dunn y a passé cinq semaines réparties sur cinq mois pour s’imprégner des lieux et se familiariser avec le métier de Brendan Luzu qui élève 90 vaches sur 180 hectares. Anaïs Dunn, aujourd’hui installée à Bourges, a travaillé plusieurs années dans le Finistère. Elle explore les matériaux, leur fait subir des expérimentations à la recherche de propriétés poétiques, avec une attention aux matières chargées d’ondes négatives parce que polluantes, sales. A Kernaëret, elle évoque la robe des vaches en versant des gouttes d’huile de vidange qui imprègnent lentement du papier de riz formant des tâches aléatoires. Sur un tas de gravats et d’herbe elle plante des sculptures en ferraille de chantier. Sur un monticule de vieilles palettes, elle fait pousser un alphabet en tubes de verre. Sous un hangar, elle présente une série de tableaux à l’horizontale, tâches brunes et noires d’un liquide goudronné repoussé entre deux lames de verre comme pour se préparer au microscope. L’exploitant Brendan Luzu connaissait la règle du jeu et n’attendait pas une œuvre d’art qui viendrait mettre en valeur sa ferme, du genre sculpture monumentale ou land-art prestigieux. Il l’explique clairement dans le document sonore réalisé par Sophie Hoarau que l’on écoute au pied du tracteur.

Champ d'expression : bientôt les dix ans

C’est bien le processus de résidence dans l’exploitation agricole qui donne l’étincelle à ces créations, avec une charge de sens supplémentaire lorsqu’on les voit sur place. L’initiative en revient à la Fourmi-e, association basée à Rostrenen (22), dédiée à l’art contemporain, sa médiation et sa diffusion qui organise chaque année ces résidences sous le titre Champ d’expression. Il s’agissait ici de la 9ème édition avec une programmation artistique confiée à l’artiste plasticienne Anne Da Silva. La Fourmi-e prépare un dixième anniversaire exceptionnel.

Au contact des réalités du monde rural

Le parcours des résidence Champ d’expression se poursuit une poignée de kilomètres plus loin, à la ferme de Lézéfranc, sur la commune de Locarn. Eric Legraët, lui aussi est éleveur, mais il s’apprête à partir à la retraite. Son exploitation est vide de vaches depuis juin et ses 75 hectares attendent repreneur. La rencontre avec Quentin Montagne s’est produite à ce moment clé de sa vie. L’artiste rennais a manifestement été impressionné par cette perspective temporelle : Eric Legraët, né en 1962, est la troisième génération à exploiter cette ferme de taille moyenne et l’avenir est inconnu. Le Centre-Bretagne est particulièrement concerné par la tension entre le besoin d’agrandissement des exploitations agricole et la volonté de permettre à des jeunes de s’installer, d’éviter la désertification des campagnes. Quentin Montagne a conçu une sculpture représentant une maison en ruine dans laquelle la végétation reprend ses droits. Ce qui frappe, c’est que la plus grande partie de sa sculpture est le rocher qui soutient la maison, à la manière du château dans le ciel, de Magritte ou de Miyazaki. L’œuvre réalisée avec minutie est en bois assemblé, collé et taillé. Elle est destinée à rester sur les lieux où elle appelle à méditer sur les racines du travail des hommes et de leur ferme.

 

Quentin Montagne expose également des peintures et collages à La Grande Boutique à Langonnet (56) jusqu’au 06 mars.

 

Le 6 mars à 17h, à la ferme de Kernaëret, aura lieu un spectacle-conférence par le Théâtre du Grain, Ils remontent le temps.

œuvre de Quentin Montagne