Exposition au Musée d'art et d'histoire jusqu'à la fin mars

Une grève peut se regarder comme un événement dont les historiens relatent l’histoire, des années plus tard. Vivre avec la grève du Joint français, au Musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc, n’est pas ce genre d’exposition commémorative à l’occasion des cinquante ans du mouvement. Pas question ici de raconter le long conflit social qui a marqué le pays de Saint-Brieuc et toute la Bretagne. Les anthropologues Noël Barbe et Nayeli Palomo proposent plutôt un parcours à travers leurs trois années de recherche depuis 2019 sur ce qui est toujours à l’œuvre dans cette lutte. Ils parlent de la représentation, des traces laissées par la grève, de la photo emblématique (le jeune gréviste qui empoigne un CRS, reconnaissant son vieux copain d’école). La représentation, c’est aussi la question de qui parle, qui a le micro, qu’est-ce qui se joue dans une organisation. Ils traitent du féminisme et font écho à d’autres grandes grèves des années 70 : Lipp, Wonder, dressent une passerelle avec l’actualité récente : les gilets jaunes, les manifestations contre la réforme des retraites. Ils s’interrogent sur ce qui fait collectif, sur le ferment qui transforme des individus en un corps tendu dans une direction, en évoquant Notre Dame des Landes, les zapatistes du Chiapas… L’exposition montre des affiches, des photos, des films, des enregistrements sonores, des livres, des créations comme la belle fresque en bas-relief d’Alain Marcon. Tous ces documents sont présentés comment des supports à de la réflexion, voire des incitations à la prise de parole. Cette importance d’une appropriation populaire de l’histoire retentit en particulier à l’étage, quand l’exposition montre comment la grève a été jugée de façon négative, dans le sens où elle aurait découragé l’investissement et le développement industriel du pays de Saint-Brieuc, voire de la Bretagne. Une dévoiement de sens qui se poursuit aujourd’hui encore quand le grève du Joint français est présentée d’abord comme un échec du centralisme avant d’être une lutte de classe. Car ce conflit, comme d’autres (Plogoff, par exemple) est devenu un marqueur identitaire du territoire breton. A ce titre, il serait intéressant qu’une exposition engagée comme celle-ci puissent circuler pour alimenter la réflexion populaire sur un projet politique régional.

Pour se remémorer la grève du Joint français lire aussi l’article de l’historien sur Becedia.

Le Joint français exposition
Le Joint français exposition
Fresque d'Alain Marcon
Le Joint français exposition
Une affiche du Celib : quelle voie pour le développement breton ?