Un album de veuze, d'électro, de doudouk et de violon

François Robin, spécialiste de la veuze (cornemuse du pays gallo et de Vendée), mais aussi du doudouk arménien, est connu pour ses explorations sonores. En 2019, il a imaginé cette création de concert avec Mathias Delplanque, artiste nantais de musiques électroniques et électro-acoustiques. Ils se sont librement inspirés de la musique de jeux vidéo des années 90 pour construire un univers chaud et même souvent moite, où l’on entend des bruits animaux, des pulsations électro survolées de mélodies répétitives à la veuze, de pizzicatos au violon, ou encore des épopées oniriques au doudouk… Le son de synthétiseur de Mathias Delplanque rappelle certains moments de Pink Floyd et intègre parfaitement cette ambiance organique sortie du fond des âges. C’est parfois la médiévale veuze qui fait sursauter et monter le taux d’acidité en bouche avec un son urbain « techno ». Les musiciens eux-mêmes situent avec approximation leur travail comme « une épopée sauvage et onirique flirtant entre krautrock, musiques minimalistes, drone et musiques traditionnelles ». Car c’est bien du « trad » que vient François Robin, formé à la veuze par le maître luthier Thierry Bertrand. Après plusieurs concerts, cette musique a été enregistrée au studio Le Batiskaf à Nantes, par Ronan Fouquet. La création visuelle du CD est signé Quentin Faucompré. C’est une production À La Zim Muzik, en collaboration avec Parenthèses Records. Le collectif A la Zim se révèle particulièrement dynamique ces derniers mois puisqu’il a aussi sorti très récemment les albums Le Chant de la griffe (Sylvain Giro) et Tamas Lier (Erwan Hamon et Yousef Zayeb). Les vidéo ci-contre ont été enregistrées en 2020 et les morceaux de l’album ont bien évolué, même si l’esprit y est.

François Robin : « Avec Mathias Delplanque, une grande liberté de jeu »

A quand remonte le travail sur cette création L’Ombre de la bête ?

Je travaille depuis 2006 sur la création sonore autour de la veuze. C’est donc une ligne artistique de près de vingt ans. J’ai appris la musique avec un grand musicien qui est aussi luthier, Thierry Bertrand. J’ai eu envie d’être confronté à la fabrication de l’instrument, travailler avec des outils de luthier. J’ai posé des capteurs, j’ai modifié les matières, le cuir, le bois, j’ai cherché des nouvelles sonorités et des modes de jeu. Plusieurs créations ont été comme des temps de recherche sur cette ligne-là : Trafic sonore avec Youn Kamm, Les Allumés du chalumeau avec Ronan Le Gourrierec, Freedom for pipes avec Erwan Keravec, Souffler dans un violoncelle avec Erwan Martinerie, La Circulaire avec Sylvain Girault et Erwan Hamon

En 2019 j’ai eu envie de travailler avec Mathias Delplanque qui est un producteur et un musicien touche à tout, quelqu’un qui un gros bagage en musiques électros. Je me suis dis j’arrête de toucher aux machines. J’ai voulu me recentrer sur les instruments acoustiques et confier le travail de traitement du son à quelqu’un capable de le faire en temps réel.

 

Qu’est-ce qui vous plait chez Mathias Delplanque ?

 

Il est vraiment libre pour jouer. Les machines avec lui sont vivantes, pas que programmées. Il a mis en place un dispositif qui lui donne beaucoup de liberté dans le jeu. Ce n’est pas évident, car on peut vite tomber dans la programmation. Là, j’ai quelqu’un qui me répond.

 

Comment compose-t-on dans ces conditions ? Avec la veuze sous le bras et une feuille ?

 

Pas beaucoup de feuilles. Je viens des musiques de tradition orale. Mathias aussi a ce rapport là à la musique. Il est né en Afrique, a écouté beaucoup de musiques du monde. J’arrive avec des bouts de thèmes que j’avais un peu puisé dans des musiques de jeu vidéo des années 90. Ce sont des amorces et j’ai fait évoluer les thèmes. Les phrases sont simples et permettent d’ornementer, de varier. C’est une méthode proche de la tradition. Et Mathias applique les rythmiques, l’orchestration et il fait du sampling en direct.

 

Vous ne jouez pas d’autres cornemuse que la veuze, pourquoi ?

 

La veuze, pour moi, est familiale. C’est mon instrument de cœur et de territoire. Je viens du marais breton-vendéen. Une des zones où on a joué la veuze le plus longtemps. Mon père en joue toujours et il a ramené l’instrument à la maison. Elle est limitée pourtant : on n’a qu’une octave, c’est une cornemuse plutôt puissante et des fois cela pose problème, mais j’essaye de pallier par autre chose. J’ai quand même une gaïda bulgare que j’aime bien, mais que je ne joue pas sur scène.

 

Comment sont venus le doudouk et le violon ?

 

Le doudouk m’a tapé dans l’oreille il y a une quinzaine d’années. Grâce à Sylvain Barou j’ai pu m’initier et avoir de bons instruments. C’est proche de la cornemuse, c’est à bourdon, c’est du son continu, modal, très ornementé. Et sa sonorité est incroyable ! Il apporte des nuances et permet de jouer d’autres répertoires. Le violon est mon premier instrument d’enfance. Je l’ai repris quand j’avais 18 ans, mais je n’en jouais jamais sur scène.