Une saison artistique à Rostrenen par Aurélie Le Maître et Elen Le Maitre

Dans le centre Bretagne, on construit toujours des routes à 4 voies. Les programmes routiers de « désenclavement », décidés il y a des décennies, attendus par les uns, redoutés par d’autres, sont aujourd’hui d’énormes chantiers de terrassement, tranchant à travers la campagne. C’est sur un point de chantier, entre Rostrenen et Maël-Carhaix, que se sont installées deux jeunes artistes, Aurélie Le Maître, plasticienne, et Elen Le Maitre, céramiste. Deux cousines malgré la légère différence de patronyme, originaires du coin. Depuis septembre, elles ont rencontré des habitants, observé les paysages, photographié la fabrique de la route, étudié la terre. Elles ont appelé leur mission de création artistique sur site « Aux deux bouts de la terre ». Sur leur cabane Algeco, on voit des images « avant-après », des représentations graphiques de la transformation du paysage, des sérigraphies de vues de chantier, imprimées avec différentes teintes obtenues à partir de cette même terre terrassée par les pelleteuses et bulldozers. Une façon de renouer le contact avec l’intimité d’un sol brutalisé par les engins. Leur projet, porté au sein du collectif Topos, est soutenu par des associations de Rostrenen (La Fiselerie, La Fourmi-e) et accepté sur le chantier par les services de l’Etat. La DREAL leur prête un Algeco inutilisé. Elles y viennent une semaine tous les deux mois, y reçoivent des classes de collège en ateliers d’art plastique et accueillent le « public » de temps en temps pour montrer leurs étapes de travail. Prochaine rencontre le 27 août, au lieu-dit Kenroperz (suivre le panneau PRS6 sur la RN164 de Rostrenen vers Carhaix). Leurs réalisations se voient aussi sur la vitrine d’un ancien garage à Rostrenen. A la mi septembre, fin de leur mission, une exposition aura lieu à la médiathèque de Rostrenen, pour trois semaines. 

 

Capter le sensibilité du territoire

Aurélie Le Maître et Elen Le Maitre (Aux deux bouts de la terre)
Aurélie Le Maître et Elen Le Maitre (Aux deux bouts de la terre)

Aurélie Le Maître et Elen Le Maitre ne cherchent pas à reproduire des théories sur l’utilité de construire des autoroutes au moment où tout le monde parle de transition écologique, ni sur l’inertie de visions politiques datant d’il y a cinquante ans. Leur démarche n’est pas militante, même si Aurélie Le Maître parle d’un « projet du 20ème siècle ». L’idée est plutôt que le moment de la transformation, le temps du chantier, peut aussi être un temps d’expression artistique. Elles ont voulu être à l’écoute du terrain. A l’écoute du paysage, ses champs, ses petites routes coupées, la grande tranchée bientôt bitumée… Les gens qui sont pour, ceux qui sont contre (dont certains rouleront peut-être sur cette route) et beaucoup pour qui c’est une sorte de fatalité justifiée par la décision d’utilité publique, la poursuite d’une transformation du pays dans la foulée du remembrement, d’un modèle agro-industriel auquel on peine à trouver une alternative.